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Le changement climatique expliqué en cinq minutes

Traduction d’un article publié le 11 juillet 2021 par la climatologue Judith Curry

 

Judith Curry is President (co-owner) of Climate Forecast Applications Network (CFAN).  
Previously, Professor and Chair of the 
School of Earth and Atmospheric Sciences 
at the 
Georgia Institute of Technology.  
Here is a [
link] to her c.v

 

Comment expliqueriez-vous en cinq minutes la complexité et l'incertitude entourant le changement climatique et comment nous devrions réagir (notamment en ce qui concerne les émissions de CO2) ?

La semaine dernière, j'ai fait partie d'un panel pour une école d'été au Canada pour les étudiants en génie. Ils travaillent sur la transition énergétique, et leur Professeur a souhaité qu'ils soient exposés au débat autour de tout cela, et qu'ils réfléchissent de manière critique. J'étais le seul climatologue du panel, les autres étaient impliqués dans les énergies renouvelables. Chaque panéliste a eu 5 minutes pour faire valoir ses points principaux. L'essai ci-dessous est ce que j'ai trouvé. 5 minutes c'est plus long qu'un discours d'ascenseur, mais c'est quand même assez court

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Permettez-moi de commencer par un bref résumé de ce que l'on appelle la « crise climatique » :

Son réchauffement : Le réchauffement serait causé par nous. Le réchauffement serait dangereux. Nous devrions de toute urgence passer aux énergies renouvelables pour arrêter le réchauffement. Une fois que nous aurions fait cela, la montée du niveau de la mer s'arrêterait et le temps ne serait pas si extrême. 

Alors, qu'est-ce qui ne va pas avec ce récit ? En un mot, nous avons considérablement simplifié à la fois le problème et ses solutions. La complexité, l'incertitude et l'ambiguïté des connaissances existantes sur le changement climatique sont tenues à l'écart du débat politique et public. Les solutions qui ont été proposées sont technologiquement et politiquement infaisables à l'échelle mondiale. 

Plus précisément en ce qui concerne la science du climat. La sensibilité du climat à un doublement du dioxyde de carbone a un facteur d'incertitude de trois. Les prévisions des modèles climatiques d'impacts alarmants pour le 21e siècle sont motivées par un scénario d'émissions, RCP8.5, qui est hautement invraisemblable. Les prévisions des modèles climatiques négligent les scénarios de variabilité climatique naturelle, qui dominent la variabilité climatique régionale sur des échelles de temps interannuelles à multidécennales. Et enfin, les réductions d'émissions ne feront pas grand-chose pour améliorer le climat du 21e siècle ; si vous en croyez les modèles climatiques, la plupart des impacts des réductions d'émissions se feront sentir au 22e siècle et au-delà. 

Que le réchauffement soit ou non « dangereux » est une question de valeurs, sur laquelle la science n'a rien à dire. Selon le GIEC, il n'y a pas encore de preuves de changements dans la fréquence ou l'intensité mondiale des ouragans, des sécheresses, des inondations ou des incendies de forêt. Aux États-Unis, les États où la croissance démographique est de loin la plus importante sont la Floride et le Texas, qui sont des États chauds du sud. La valeur des propriétés le long de la côte monte en flèche. Les préférences personnelles et la valeur marchande ne considèrent pas encore le réchauffement climatique comme « dangereux ». 

Le changement climatique est un grand récit dans lequel le changement climatique d'origine humaine est devenu la cause dominante des problèmes de société. Tout ce qui ne va pas renforce la conviction qu'il n'y a qu'une seule chose à faire pour prévenir les problèmes de société : arrêter de brûler des combustibles fossiles. Ce grand récit nous induit à penser que si nous résolvons le problème du changement climatique causé par l'homme, alors ces autres problèmes seraient également résolus. Cette croyance nous éloigne d'une enquête plus approfondie sur les véritables causes de ces problèmes. Le résultat final est un rétrécissement des points de vue et des options politiques que nous sommes disposés à considérer pour traiter de questions complexes telles que la santé publique, les ressources en eau, les catastrophes météorologiques et la sécurité nationale. 

Tout cela signifie-t-il que nous ne devons rien faire contre le changement climatique ? Non. Nous devons travailler pour minimiser notre impact sur la planète, ce qui n'est pas simple pour une planète de 7 milliards d'habitants. Nous devons travailler pour minimiser la pollution de l'air et de l'eau. Depuis des temps immémoriaux, les humains se sont adaptés au changement climatique. Que nous parvenions ou non à réduire considérablement nos émissions de dioxyde de carbone au cours des prochaines décennies, nous devons réduire notre vulnérabilité aux événements météorologiques et climatiques extrêmes. 

En ce qui concerne l'énergie. Toutes choses étant égales par ailleurs, tout le monde préférerait l'énergie propre à l'énergie sale. Cependant, toutes les autres choses ne sont pas égales. Nous avons besoin de systèmes énergétiques sûrs, fiables et économiques pour tous les pays du monde. Cela inclut l'Afrique, qui manque actuellement d'électricité dans de nombreux pays. Nous avons besoin d'une infrastructure du 21e siècle pour nos systèmes d'électricité et de transport, afin de soutenir une prospérité continue et croissante. L'urgence de se précipiter pour mettre en œuvre les technologies renouvelables du 20e siècle risque de gaspiller des ressources sur une infrastructure énergétique inadéquate et d'accroître notre vulnérabilité aux extrêmes météorologiques et climatiques. 

La façon dont le climat du 21e siècle va se dérouler est un sujet de profonde incertitude. Une fois prise en compte la variabilité naturelle du climat, elle peut s'avérer relativement bénigne. Ou nous pouvons être confrontés à des surprises imprévues. Nous devons accroître notre résilience face à tout ce que le climat futur nous présente. Nous nous tirons une balle dans le pied si nous sacrifions la prospérité économique et la résilience globale de la société sur l'autel de la transition urgente vers les technologies des énergies renouvelables du 20e siècle.

Nous devons nous rappeler que la lutte contre le changement climatique n'est pas une fin en soi et que le changement climatique n'est pas le seul problème auquel le monde est confronté. L'objectif devrait être d'améliorer le bien-être humain au 21e siècle, tout en protégeant l'environnement autant que possible.

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